2010-04-17

Les deux âmes de l'écologie - Romain Felli











2008, L'Harmattan

Sous-titré "une critique du développement durable", je pense que cet essai est l'un des livres les plus intéressants que j'ai lus sur le sujet. Romain Felli synthétise l'état sur deux conceptions de l'écologie qui s'opposent, l'écologie politique (l'écologie par le bas) et le développement durable (l'écologie par le haut).

Il rappelle que le développement durable est un "concept glouton" d'après l'expression de Sylvie Brunel, pris lui-même d'une "croissance infinie". Il démontre que le glissement de l'écologie politique vers le développement durable a fait passer un "mouvement autogestionnaire, utopique, critique de la technique" vers un "ensemble de politiques centralisées, technocratiques et conservatrices". Le développement durable ne s'est ainsi pas construit à la suite mais contre l'écologie politique. Une "logique décentralisée, démocratique radicale, autogérée par en bas" s'oppose ainsi à une "logique centralisatrice, élitiste, ou planificatrice, par en haut".

Un rappel est réalisé sur les trois typologies d'écologie : profonde, autoritaire ou démocratique. Deux développements pourraient en effet aller aux antipodes de l'écologie politique : "la création d'une dictature écologiste - technocratique" et la "réappropriation de l'écologie par le capitalisme". Or l'écologie politique indique que la crise écologique est liée au capitalisme, "résultante de l'idéologie de la croissance, [...] capitaliste ou bureaucratique." Pour l'écologie politique, "l'objectif principal est le changement des modes de vie et de production, pas la défense de la nature en soi" (selon les principes développés par Ivan Illich dans la "Convivialité").

Le développement durable allie au principe de survie de l'humanité un second principe de poursuite de la croissance économique. Pour l'écologie politique, c'est l'avènement d'une société autonome qui résoudra les problèmes. Par ailleurs, "on n'aurait pas besoin de la fiction des générations futures pour obtenir une préservation de la nature si les droits des individus à un environnement sain étaient déjà respectés."

Le développement durable se présente comme "savoir", se posant comme "impératif" récusant de fait le choix politique. L'écologie politique s'y oppose et propose de retrouver une autonomie (exemple du vélo utilisable et réparable par tout un chacun et pas une voiture où même une ampoule ne peut plus être changée par son propriétaire).

Romain Felli développe également le très intéressant "effet rebond" en économie et la "conjoncture de Zahavi" dans les transports : les gains en efficacité sont affectés à l'augmentation de l'utilisation plutôt qu'à la diminution.

L'auteur poursuit en démontant l'idée de démocratie participative, chère aux tenants du développement durable : en fait de participation, il s'agirait de faire accepter aux populations des idées d'experts. Le développement durable est une écologie par et pour l'Etat, bien que n'appelant pas à l'idée d'une dictature éclairée. L'écologie politique pense au contraire que l'Etat détruit la société civile et qu'il empêche la construction d'une société autonome et écologiste. Un pont intéressant est fait sur l'explication de la position des Verts sur l'Europe et le régionalisme.

L'auteur poursuit sur le développement de la convivialité, basée sur un partage du temps de travail et une redistribution des richesses sur la base des besoins des individus.

Le développement durable semble avoir gagné la bataille idéologique. Peut-être parce qu'il se trouve aujourd'hui "en consonance avec des intérêts matériels" ?

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